vie professionnelle

Les grandes lignes de la convention collective du cinéma

La convention collective du cinéma (arrêtés des 1er Juillet 2013, 17 et 24 décembre 2013) est étendue, c’est-à-dire d’application obligatoire. Elle fixe les règles pour les conditions et durées du travail ainsi que les rému­né­ra­tions minimales des membres de l’équipe technique.

Les syndicats ont pour mission de veiller à son application mais nous, techniciens, devons les alerter quand nous constatons qu’elle n’est pas respectée. C’est pourquoi il est important que les techniciens connaissent leurs droits et les dis­po­si­tions de la CCC. Chacun, syndiqué ou non, peut s’adresser à un des syndicats de salariés du cinéma pour faire remonter des infor­ma­tions et peut le faire sans crainte car l’anonymat est garanti.

Une commission de suivi et d’interprétation de la CCC est mise en place : « suivi » pour vérifier son application et « inter­pré­ta­tion » pour examiner et statuer sur certains points « mal rédigés », et qui demandent à être éclaircis. Il est possible de faire des demandes de modi­fi­ca­tions de certains articles ; tout est toujours une histoire de négociation.

Durée du travail

Titre II, Article 24, préambule : « La durée de réalisation d’un film se décompose en trois étapes : la préparation, le tournage et la post production. Les périodes de préparation et de post production ne nécessitent pas une orga­ni­sa­tion de la durée du travail dérogeant au droit commun ».

En d’autres termes, la durée du travail pour la branche montage est celle du droit commun, c’est-à-dire :

  • un maximum de 48 heures par semaine pour des dépas­se­ments ponctuels, et 44 heures sur douze semaines consé­cu­tives pour des dépas­se­ments réguliers ;
  • un maximum de 13 heures par jour, avec un temps de repos quotidien minimal de 11 heures consé­cu­tives par 24 heures ;
  • un temps de pause de 20 minutes est obligatoire après 6 heures de travail consé­cu­tives.

Majorations pour heures sup­plé­men­taires au-​delà de la 39e heure (les majorations de la 36e à la 39e heure étant déjà intégrées dans le salaire) :

  • de la 40e à la 43e : 25 % du salaire de base ;
  • de la 44e à la 48e : 50 % du salaire de base.

N’oublions pas qu’il n’y a pas de fatalité à faire cadeau des heures sup­plé­men­taires à la production… mais attention cependant à les comp­ta­bi­li­ser et à signifier au fur et à mesure au producteur que nous les effectuons pour les besoins du projet. Si on arrive en fin de montage en demandant un paquet d’heures supp., le producteur peut arguer qu’il ne nous a jamais demandé de les faire…

Attention aussi à l’article 31 du titre II qui stipule : « Pour les périodes de préparation et post production les techniciens (…) disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps qui ne les conduit pas durant ces périodes à suivre un horaire collectif de travail (…) peuvent être engagés, par accord entre les parties, pour une durée de travail calculée en jours excluant ainsi l’application des dis­po­si­tions légales et conven­tion­nelles relatives aux heures sup­plé­men­taires ». Ce qui veut dire qu’on peut proposer à un chef monteur un contrat avec forfait en jours, incluant les éventuelles heures sup­plé­men­taires. Dans ce cas il convient de se faire payer à un tarif supérieur à celui du minimum conven­tion­nel pour 39 heures !

Le travail de nuit comprend les heures effectuées entre 22 heures et 6 heures, du 1er avril au 30 septembre, et entre 20 heures et 6 heures du 1er octobre au 31 mars. Il est majoré de 50 % et limité à 8 heures consé­cu­tives par 24 heures.

Le travail le dimanche ou les jours fériés doit être justifié par un évènement excep­tion­nel et est majoré de 100 %.

« Lorsqu’un jour férié est travaillé, le salaire horaire de base est majoré de 100 % auquel s’ajoute une journée de récu­pé­ra­tion payée pour 7 heures, la récu­pé­ra­tion devant avoir lieu au plus tard dans la semaine qui suit le jour férié. Dans le cas où cette récu­pé­ra­tion n’aurait pas lieu et ne serait donc pas payée, à la rému­né­ra­tion majorée du travail du jour férié sera ajoutée une rému­né­ra­tion équivalente à 7 heures au salaire horaire de base du salarié. »

S’il n’est pas travaillé, le jour férié doit être payé comme une journée normale.
Par ailleurs concernant les majorations pour heures sup­plé­men­taires, nuits et dimanches, l’avenant signé le 8 octobre 2013 limite leur cumul à 100 % du salaire horaire de base (c’est-à-dire au maximum le double du salaire).

Pour le tournage, les producteurs ont réussi, grâce au dispositif des heures d’équivalence, à porter la durée maximum du travail heb­do­ma­daire à 60 heures dans les faits.

Les heures d’équivalence ne concernent que certains postes, seulement pendant les semaines de tournage et pour un contrat de 5 jours minimum. Pour simplifier on peut comparer cela à un genre de forfait (même si le terme est inexact). C’est une façon de prendre en compte les heures de travail réelles : du moment de l’arrivée sur le plateau jusqu’au départ. Il y a une majoration du salaire par rapport aux 39 heures, mais elle est « lissée ». Un exemple, celui du 1er assistant réalisateur : on peut lui demander de travailler jusqu’à 46 heures au tarif de 43 heures la semaine de 5 jours. Il sera payé pour 43 heures mais il « devra » 46 heures de travail à la production… Si le technicien ne « fait » pas les 46 heures (ni même les 43 heures), il n’est pas moins payé, tant mieux pour lui. S’il dépasse les 46 heures de travail, la production lui doit des heures sup­plé­men­taires. Le technicien (dans l’exemple ci-​dessus) ne déclare que 43 heures et il n’ouvre donc des droits Assedic, retraite, etc. que sur ces 43 heures.

Défraiements

Transport : dans les grandes villes, 50 % du titre de transport (passe Navigo en région parisienne).

Repas : l’employeur n’est pas tenu de nous payer le moindre défraiement…

Définitions de fonctions

Chef monteur cinéma – Cadre col­la­bo­ra­teur de création
Collaborateur de création, il donne au film sa construc­tion et son rythme par l’assemblage artistique et technique des images et des sons, dans l’esprit du scénario et sous la res­pon­sa­bi­lité du réalisateur. Il participe avec le réalisateur à la post-​production. Il est chargé, en col­la­bo­ra­tion avec le réalisateur, de veiller à la cohérence de l’espace sonore du film.

N.B. : attention, cette définition ambiguë ouvre la possibilité de ne pas engager le chef monteur au mixage.

Chef monteur son cinéma – Cadre
Dans le cas où l’équipe de montage cinéma n’assurerait pas conjoin­te­ment le montage de l’image et du son, le chef monteur son est chargé, en col­la­bo­ra­tion avec le réalisateur et en lien avec le chef monteur cinéma, de donner sa cohérence et son rythme à l’espace sonore du film. Durant le mixage, il est appelé à donner des indications au mixeur.

Premier assistant monteur cinéma – Non cadre
Il assiste le chef monteur pendant la durée des travaux liés au montage et sous sa res­pon­sa­bi­lité assure le suivi des différentes étapes du montage : orga­ni­sa­tion et préparation du travail, gestion des matériaux images et sons, dialogue avec les industries techniques et travail avec les différents inter­ve­nants (bruitage, post-​synchronisation…).

Deuxième assistant monteur cinéma – Non cadre
Sous la res­pon­sa­bi­lité du chef monteur et sous la direction du Premier assistant monteur Cinéma, il est chargé d’exécuter des tâches simples liées au montage. Il ne peut être recouru à un deuxième assistant monteur cinéma sans que le poste de premier assistant monteur cinéma soit pourvu ; il peut cependant être engagé pour une durée de travail distincte de celle du premier assistant monteur cinéma.

N.B. : la dernière phrase est ambigüe ; elle ouvre la possibilité d’engager un premier assistant monteur pendant une semaine, et un deuxième assistant autant que « nécessaire ». Puisque le poste de premier assistant aura été pourvu.

Les grilles des salaires

Pour consulter les grilles de salaires à jour, rendez-​vous sur la page Salaires et conventions : secteur cinéma).

Il existe deux grilles de salaires minima garantis : une grille « normale » et une grille dérogatoire pour les films « fragiles », c’est-à-dire sous-​financés.

L’annexe III de la CCC et l’avenant du 8 octobre 2013 fixent les règles qui permettent de payer des salaires minima abattus aux techniciens travaillant sur certains films avec pour com­pen­sa­tion (virtuelle) un inté­res­se­ment aux recettes du film (égal au maximum à deux fois la différence avec le salaire de référence).

Ces accords sur le système dérogatoire sont conclus pour une durée de « cinq ans sans clause de tacite recon­duc­tion après son extension et sa publication au Journal officiel. Les partenaires sociaux se réunissent au cours de la 5ème année pour examiner l’opportunité de modifier ou de proroger cette dérogation. »

À savoir

La dérogation ne concerne QUE les salaires, toutes les autres dis­po­si­tions de la CCC s’appliquent.
Les grilles de salaires déro­ga­toires doivent être appliquées à TOUS les membres de l’équipe technique. Si quelqu’un est payé disons +10 %, tous les autres techniciens engagés sur le film doivent l’être aussi.

Sont éligibles à la dérogation :

  • les films de fiction dont le budget pré­vi­sion­nel est inférieur à 3 millions d’euros de dépenses extérieures (c’est-à-dire hors frais généraux et salaire du producteur) et sans compter les imprévus, en réalité 3,6 millions d’euros environ ;
  • les films docu­men­taires pour le cinéma dont le budget pré­vi­sion­nel est inférieur à 600 000 euros de dépenses extérieures, hors imprévus.

Les films éligibles doivent remplir les critères suivants :

  • la masse salariale brute des personnels techniques est au moins égale à 18 % du budget pré­vi­sion­nel du film ;
  • la masse salariale brute des personnels techniques (hors salaire du réalisateur technicien) représente au moins 80% des rému­né­ra­tions brutes des auteurs, producteurs et titulaires des rôles principaux, ainsi que les commissions d’agents prévues dans le budget pré­vi­sion­nel ;
  • le tournage doit avoir lieu majo­ri­tai­re­ment en France sauf pour raisons artistiques.

Attention : les films de fiction au budget pré­vi­sion­nel de moins d’1 million d’euros sont « hors convention » (salaire minimum = Smic) pour un moratoire de 6 mois (à partir de la publication au journal officiel de l’avenant le 3 janvier 2014 – donc jusqu’à fin juin 2014). Les syndicats doivent négocier d’ici là pour réglementer le cas de ces films. (Aucun docu­men­taire pour le cinéma ne peut se retrouver dans cette catégorie.)

Le nombre de films éligibles chaque année à la dérogation ne doit pas dépasser « en moyenne sur cinq ans » 20 % du nombre de films agréés.

À noter :

  • pour les films qui obtiennent la dérogation prévue par l’annexe III, le salaire des comédiens est plafonné à cinq fois le cachet de base, soit actuel­le­ment 2 000 euros par jour. Un accord peut être conclu pour un salaire plus élevé à condition que la différence soit payable en inté­res­se­ment, et que celui-​ci soit versé après l’intéressement des techniciens ;
  • les courts-​métrages et les films publi­ci­taires seront également soumis à des grilles de salaire différentes ( les deux secteurs sont en attente de négociation spécifique).

La commission de dérogation

C’est une commission paritaire (composée à part égale de membres des syndicats de salariés et de producteurs) présidée par un repré­sen­tant des employeurs, qui détermine si un film réunit les critères pour obtenir la dérogation.

Le producteur doit faire sa demande auprès de la commission de dérogation avant l’agrément d’investissement (qui s’obtient avant tournage) ou au plus tard avant l’agrément de production (c’est un agrément des comptes du film terminé). Autrement dit le film peut se tourner avant obtention de la dérogation (!).

Le producteur est obligé de se plier à la décision de la commission. S’il n’obtient pas la dérogation, soit il applique les salaires normaux, soit il renonce à la production du film, soit il « pirate », mais il n’obtiendra de ce fait pas l’agrément de production. Et pour pouvoir bénéficier de toute aide d’État (avance sur recette, fond de soutien automatique, aide à la dis­tri­bu­tion, crédit d’impôt, etc.) le film doit avoir obtenu cet agrément.

Le règlement de la commission doit encore être précisé ainsi que la liste des documents exigés car pour le moment les productions ne fournissent pas à la commission des documents suffisants pour pouvoir statuer : plan de travail, devis détaillé précisant les postes prévus et leurs rému­né­ra­tions…

L’avis favorable de la commission doit être confirmé avant l’agrément de production : le film passe une deuxième fois devant la commission pour vérifier si les imprévus ont été dépensés et les conditions respectées, et cette fois l’examen doit se faire sur les bases du coût réel du film (remise des comptes certifiés exigé pour l’agrément de production). Dans le cas contraire, la production doit rembourser les salaires non versés et l’agrément de production peut être remis en cause. Malheureusement on sait aussi que l’avis de la commission d’agrément de production est consultatif : c’est le directeur du CNC qui tranche, et c’est déjà arrivé qu’il n’en tienne pas compte.

Pour connaître les films ayant obtenu la dérogation, il faut pour l’instant s’adresser aux syndicats de salariés.